DEVENIR TATOUEU.R.SE OU PIERCEU.R.SE

Les métiers du tatouage et du piercing ont connu un véritable boom ces 10 dernières années, au point de devenir des métiers extrêmement attrayants pour de nombreuses personnes et même le sujet d’un certain nombre de fantasmes (argent facile, style de vie débridé, liberté totale etc). Aussi, tous les salons reçoivent de nombreuses demandes de renseignements sur comment commencer une carrière dans le tatouage ou le piercing. La question de comment devenir tatoueur ou pierceur est malheureusement trop rarement abordée.

Nous allons, ici, tenter d’apporter les réponses les plus judicieuses et objectives tout en débusquant un certain nombre de mythes à la vie tenace.

Il existe une certification commune aux métiers du tatouage et du piercing et qui est obligatoire : la certification hygiène et salubrité. Cette certification est dispensée par des organismes habilités, sur trois jours et est bien sûr payante. Elle requiert en plus, des mises à jour tous les cinq ans désormais. Nul.le n’est autorisé à commencer à tatouer ou piercer, même pour s’entraîner, sans avoir validé cette certification.

Cette formation certifiante, s’assure que les candidat.e.s maîtrisent tous les aspects liés à l’hygiène et à la salubrité dans ces métiers. L’hygiène est bien évidemment une clef de voute de ces métiers et les normes à respecter sont nombreuses et cruciales. Ceci est d’autant plus vrai pour le piercing où l’exigence du travail stérile ne saurait souffrir d’aucun écart aux règles.


Les métiers du tatouage sont à la croisée de l’art et de l’artisanat. Il s’agit bien évidemment d’avoir un sens et un style artistique affuté mais aussi de maîtriser un certain nombre de techniques de pique complexes, son matériel, la relation client.e, sa comptabilité et tout le travail administratif, la communication etc. Les tatoueurs et tatoueuses sont tou.te.s des travailleu.r.se.s indépendant.e.s. Le statut de tatoueur salarié n’existe pas ou uniquement dans de très très rares cas. ‘L’artiste de tatouage doit donc gérer absolument tous les aspects de sa vie professionnelle

L’attrait pour le métier de tatoueu.r.se est tel que ces dernières années, les organismes proposant des formations se sont multipliés comme des petits pains touchés par la grâce divine. Ces formations sont bien évidemment payantes (et pas qu’un peu… plusieurs milliers d’euros en général) et proposent de devenir tatoueu.r.se en quelques semaines seulement. Comble du marketing certains de ces organismes précisent même qu’il n’est pas utile de savoir dessiner pour s’inscrire.

On touche là à un point crucial de ce métier : le sens et le style artistique. Le cœur du métier de tatoueu.r.se est le dessin. Si cela peut passer pour une évidence il est malgré tout bon de la rappeler : avant de vouloir tatouer, il faut bien évidemment savoir dessiner. Bien entendu, nul.le n’est tenu.e d’être le nouveau Michelangelo ou même de maîtriser tous les aspects techniques du dessin (perspectives, ombrages, volumes, réalisme etc) mais un solide niveau en dessin reste malgré tout un prérequis indispensable et non négociable.

Bien évidemment, aucun organisme de formation ne peut se targuer de vous former au dessin en quelques semaines seulement.

Si le dessin est un pré-requis, cela signifie que tout le projet professionnel pour devenir tatoueu.r.se doit s’articuler autour de cette technique. Dessiner chaque jour, chercher à s’améliorer, confronter son travail à la critique, s’essayer à des styles différents, à des techniques différentes, se construire un book représentatif des styles et techniques maîtrisés.

On l’aura compris, les formations de tatouage ne sont évidemment pas une solution adaptée pour ce métier mais sont en revanche un moyen très efficace pour enrichir de quelques milliers d’euros des organismes de formation peu scrupuleux.

Si les formations courtes ne sont pas une solution, que reste-t-il comme voie d’accès au métier ?

Un métier aussi exigeant artistiquement et techniquement que le tatouage, nécessite, on s’en doute, une formation longue. Ces formations longues existent bien entendu depuis l’existence même du métier et s’appellent tout simplement des apprentissages.

Un apprentissage dure généralement entre 12 et 24 mois et doit permettre de couvrir toutes les spécificités techniques du métier de taoueu.r.se. Que ce soit le matériel (les machines et leur fonctionnement, les encres, les aiguilles etc), l’éthique de travail, la relation client.e, l’hygiène appliquée ou les différentes techniques de pique.

Il s’agit de la voie royale d’accès au métier mais comme toute voie royale, nombreux sont les appelé.e.s, peu nombreux sont les élu.e.s.

Tous les salons de tatouage voient régulièrement défiler de nombreuses demandes d’apprentissage chaque année et il faut avouer que nombreuses sont celles qui sont particulièrement mal formulées… Un simple mail sans aucun dessin, aucun effort de mise en forme, une simple visite dans un salon avec 3 ou 4 dessins griffonnés sur des feuilles volantes, des demandes en message privé sur Instagram etc. Toutes ces demandes demeurent bien entendu lettres mortes mais comment pourrait-il en être autrement ? Ce qui transparaît généralement dans ces démarches pour trouver un apprentissage c’est le manque de considération pour le métier. Comme si ce n’était pas un métier sérieux qui ne méritait pas des demandes sérieuses… après tout le tatouage c’est un métier cool, avec des gens un peu marginaux, on doit pouvoir y faire son trou sans trop d’efforts…

Pourtant rien n’est plus éloigné de la réalité. Le métier de tatoueu.r.se est certes un métier passion mais qui demande un investissement et une somme de travail colossale ! L’industrie n’est, en outre, pas au meilleur de sa forme en ce moment et la concurrence y est énorme. Loin du cliché de l’argent facile avec un minimum d’efforts, le tatouage demande d’être assidu et hyper productif en dessin, de passer des heures à répondre aux client.e.s et à préparer les maquettes, de savoir gérer efficacement une comptabilité et toute l’administration qui va avec, de passer un grand nombre d’heures sur les réseaux sociaux pour faire sa promotion, d’éventuellement participer à des conventions ou des guests à travers le pays ou le continent pour se faire connaître, de savoir communiquer sur divers supports etc. Le meilleur conseil qu’on puisse donner à quelqu’un qui rêve d’une carrière facile et sans effort dans le tatouage : abandonner et se rendre à un stage d’orientation professionnelle.

En revanche, pour les personnes réellement motivées à découvrir le métier et à y faire carrière, voici un certain nombre de conseils qui pourraient être utiles.

La toute première démarche, avant même de solliciter le moindre studio de tatouage, est de se constituer un book. Qu’il soit physique, sur papier ou bien virtuel, en ligne, le book doit refléter tout le savoir-faire en matière de dessin ainsi que l’univers artistique. Un effort de présentation ou d’organisation sera immédiatement repéré par les responsables des salons de tatouage si la qualité des productions suit. Il vaut mieux passer plusieurs mois à préparer son book que de démarcher des salons avec un book inabouti et essuyer une série de refus. Préparer son book est aussi un excellent moyen de faire le bilan sur son propre travail, ses forces, ses faiblesses, les styles maîtrisés etc.

Une fois le book fini et peaufiné, vient le moment de démarcher les salons de tatouages. Là aussi l’étape est cruciale puisqu’un apprentissage va généralement durer entre 1 et 2 ans et il s’agit d’évoluer dans un cadre sécurisant, sérieux et challengeant.  Le salon doit aussi être compatible avec le style artistique de prédilection. Il ne servirait pas à grand-chose de demander un apprentissage dans un salon entièrement dédié au traditionnel si l’on souhaite développer un style fineline par exemple. Il ne faut pas hésiter non plus à interroger les gérants des salons sur leur vision de l’apprentissage avant de se lancer. L’apprentissage est un processus long et il faut être sûr de pouvoir être bien supervisé.e, d’avoir au moins un.e artiste référent.e au sein du salon, qui prenne le temps de s’investir pour la transmission de savoir et la supervision. Selon les salons, les conditions financières proposées aux apprenti.e.s peuvent aussi être très différentes et il faut vérifier qu’elle conviennent aux deux parties.

Comme vous l’aurez compris, si l’apprentissage est probablement la meilleure voie d’accès au métier de tatoueu.r.se, ce n’en est pas moins un long parcours qui peut aussi être semé d’embûches. L’économie du tatouage connaissant actuellement une crise, nous ne pouvons que conseiller à celles et ceux qui voudraient se lancer dans cette carrière, de bien réfléchir leur choix et de ne pas foncer tête baissée. Avoir des solutions de repli peut aussi être une bonne idée, nombreu.x.ses sont les apprenti.e.s qui ont un autre métier à mi-temps, le temps que leur activité de tatouage leur permette de subvenir à leurs besoins. S’assurer d’être prêt techniquement en dessin, ne pas hésiter à solliciter des critiques éclairées (professeur.e.s de dessin, illustrateurs, autres tatoueu.r.ses etc) sur ses dessins avant de les présenter à un studio.


Comme pour le tatouage, il n’existe aucun diplôme officiel pour devenir pierceu.r.se, seule la certification en hygiène et salubrité est obligatoire. Bien évidemment cela est assez problématique pour un métier aussi technique que le piercing.

Comme pour le tatouage, il existe toute une flopée de formations payantes, plus ou moins longues. Sans vouloir présager de la qualité de toutes ces formations, il n’en demeure pas moins que pour maîtriser la totalité des aspects techniques de ce métier, une formation longue est bien plus recommandée.

Là encore, l’apprentissage se révèle une bien meilleure solution qu’une formation. L’apprentissage permet d’apprendre sur un ou deux ans (ou plus si besoin) les spécificités de chaque piercing et consolider chaque apprentissage l’un après l’autre. La variété des piercings et procédures à maîtriser avant de devenir pierceu.r.se est vraiment très importante. Rien que sur les oreilles, il s’agit de maîtriser près de 20 piercings différents et donc près de 20 procédures différentes. Sans parler du fait que tou.te.s les pierceu.r.se.s n’utilisent pas les mêmes techniques, le nombre de possibilités et techniques possibles d’apprendre est exponentiel. Il sera utile de pouvoir comprendre chaque technique pour en apprécier les avantages et les inconvénients, comprendre pourquoi le choix des outils de travail est si important, les avantages des aiguilles par rapport aux cathéters, les avantages du freehand par rapport au travail à la pince.

Un.e apprenti.e dans le réputé salon Rogue au Royaume-Uni

De plus, chaque piercing, où qu’il soit sur le corps, ne peut s’aborder qu’avec la prise en compte de l’anatomie particulière de chaque client.e. Ce n’est donc pas parce qu’on a percé 10 hélix que l’on sait percer tous les hélix… chaque anatomie est différente et pourra nécessiter une approche et une procédure différente. En plus des connaissances purement techniques liées à l’acte en lui-même, de bonnes connaissances anatomiques seront un plus indéniable.

Dans tous les cas de figures, un piercing n’est jamais anodin, même s’il s’agit d’un simple piercing de lobe. Chaque acte est une effraction cutanée qui nécessite de respecter un protocole d’hygiène stricte, de connaître le matériel avec lequel on travaille, de connaître la qualité et les spécificités des bijoux qu’on utilise, de savoir accompagner son client ou sa cliente à travers un protocole de soins, de savoir identifier les premiers signes de complication et de pouvoir guider le/la client.e ou l’orienter vers un.e professionnel.le de santé. Là encore, des connaissances dépassant le simple cadre du piercing seront un sérieux atout. Des connaissances biologiques et médicales par exemple, pour comprendre le processus d’une infection, d’une irritation, connaître les causes et le fonctionnement des granulomes etc

L’une des spécificités du piercing est l’exigence du travail en mode stérile. Maîtriser ce protocole de stérilité n’est pas une chose aisée et cet aspect est rarement approfondi dans les certifications d’hygiène et salubrité. Il faudra donc pouvoir se former et se perfectionner spécifiquement sur ce thème, éventuellement en passant des formations supplémentaires payantes et en mettant régulièrement ses connaissances à jour pour ne pas tomber dans une routine qui pourrait mener à des raccourcis et donc des erreurs, potentiellement graves.

La relation humaine aussi, si elle peut paraître anecdotique pour des actes dépassant rarement les 30 minutes, est pourtant un aspect primordial du métier. Aucun.e client.e n’aborde la rencontre avec l’aiguille de façon sereine… le stress et les peurs sont souvent à un niveau maximal et il s’agit de les accompagner à travers le processus en sachant les rassurer, avec douceur et bienveillance, leur expliquer le déroulé de la session, les aider à mettre des mots sur leurs ressentis etc

On le voit, la somme des savoirs à maîtriser pour devenir un.e bon.ne professionnel.le est très importante et, comme tous les savoirs, ils doivent être mis à jour, interrogés et perfectionnés dans cesse. Un.e pierceu.r.se qui travaillerait avec les mêmes méthodes et les mêmes outils depuis 20 ans aurait peu de chance de maintenir un niveau de compétence élevé. Le monde du piercing moderne, tel qu’on le connaît en occident, est relativement jeune et en perpétuelle évolution. Chaque année, des séminaires de formation et d’échanges sont organisés dans de nombreux pays du monde, en France, au Royaume-Uni, en Espagne, En Belgique, Aux États-Unis, au Méxique etc. Participer à certains de ces séminaires semble donc être une nécessité pour confronter ses savoirs, ses techniques, continuer d’apprendre et de se perfectionner. C’est certes un investissement en temps et en argent mais le retour sur investissement dans sa pratique professionnelle est immense.

Pour toutes ces raisons, le choix du studio où demander un apprentissage sera donc primordial. Il faudra s’assurer que le salon ou le/la professionnel.le en question souscrit à ces bonnes pratiques, met un point d’honneur à utiliser du bon matériel, ne transige pas avec l’hygiène,  semble avoir un niveau suffisant pour transmettre ses savoirs dans tous les domaines vus précédemment, a une volonté de se perfectionner toujours plus et de continuer à apprendre via les séminaires. Il ne faudra pas non plus hésiter à demander au ou à la professionnel.le combien d’apprenti.es il/elle a formé jusque-là et ce qu’ils/elles sont devenu.e.s. Ce choix est primordial et à l’inverse, accepter le premier apprentissage venu, pourrait constituer une difficulté pour commencer sa carrière. Si on ne débute pas avec des bases solides et saines, il faudra plus de temps pour désapprendre et réapprendre, corriger de mauvaises habitudes de travail, se remettre au niveau sur les techniques etc. Tout ce processus pourrait même être décourageant.

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