Avec la démocratisation du tatouage et son explosion dans toutes les couches de la société, un débat revient sans cesse sur la place, celui du prix des tatouages.
Pour contextualiser cette épineuse question, rappelons d’abord deux faits importants :
- Un tatouage n’est pas un objet de consommation courante. C’est une œuvre d’art (ou d’artisanat selon les points de vue) qui n’a rien d’essentiel. C’est un bien culturel, au même titre qu’une chanson, un film, un livre ou un tableau. On peut parfaitement vivre sans, même si la vie sans art ou culture de façon générale paraît, elle, plus aléatoire.
Lorsqu’on décide de s’offrir un tatouage, on le fait en connaissance de cause, par choix et non par nécessité.
- Comme pour tous les biens culturels, il existe des différences de prix entre les artistes ou les artisan.e.s selon leur renommée, leur expérience, leur méthode de travail etc. Il est donc possible de faire son choix en fonction de son budget, de ses attentes ou d’autres facteurs. Il faut aussi noter que certain.e.s artistes facturent leurs tatouages à l’heure et d’autres à la pièce. Les deux méthodes reviennent à peu de choses près au même puisque dans les deux cas, le temps de travail estimé est pris en compte dans le calcul.
Venons en donc au vrai prix d’un tatouage, celui que les client.e.s ne voient pas forcément et voyons ce qu’il comprend.
Chez Karbone, par exemple, nous avons défini un prix minimum pour les tatouages, aussi appelé prix de sortie d’aiguille. Cela signifie qu’aucun tatouage, quelle que soit sa taille, ne pourra être facturé moins.Tous les salons font cela pour garantir un revenu minimum aux artistes.Chez nous, ce prix est de 90€
Lorsqu’un.e artiste vous facture par exemple 100€ pour un petit tatouage, voici les frais qui restent invisibles aux client.e.s :
- Les artistes étant des travailleurs indépendants, ils doivent reverser 24,5% de leur chiffre d’affaires à l’URSAFF
- Si, en tant qu’auto-entrepreneurs, ils ou elles dépassent un plafond de chiffre d’affaires (qui est très bas) ils doivent ensuite reverser 20% de leur chiffre d’affaires à l’Etat pour la TVA
- Il faut ensuite calculer les frais de matériel à proprement parler. La plupart du matériel étant à usage unique (aiguilles, encre, godets à encre, crèmes, stencil etc) il ne pourra servir qu’une seule fois à chaque client.e. Selon qu’il s’agisse d’une grosse ou d’une petite pièce, d’un tatouage en couleur ou bien en noir, les frais de matériel ne seront pas les mêmes mais on peut faire une estimation moyenne (à la louche) à 5% du prix du tatouage.
- L’artiste est ensuite, soit locataire d’un espace, soit propriétaire. Dans les deux cas, les frais de fonctionnement du local lui incombent en partie ou en totalité. Dans le cas d’artistes non propriétaires de leur lieu de travail, cette charge varie entre 20 et 50% du prix de chaque tatouage.
- Vient ensuite le travail en amont du tatouage, celui auquel on ne pense pas souvent. L’artiste a pris le temps d’échanger avec son ou sa cliente pour comprendre le projet, lui a établi un devis, proposé des créneaux disponibles, noté son RDV. Puis il a produit une maquette (selon la méthode de travail de chacun.e), l’a envoyée et éventuellement modifiée. Tous ces échanges ont pris au bas mot entre 5 et 10 échanges de mails pour un temps de travail de 2 heures environ. Si on se base sur le taux horaire du SMIC cela fait encore 21€ de plus à comptabiliser dans la facturation
- L’artiste a aussi certainement pris le temps de maintenir à jour sa vitrine virtuelle (Instagram, Facebook, site internet ou les trois à la fois) et ces heures de travail là, il ou elle ne les facturera à personne mais elles restent essentielles pour garder sa visibilité.
- Le jour du tatouage, même s’il s’agit d’un tout petit tatouage que l’artiste réalise en moins d’une heure, le client sera quand même présent au salon environ 2 heures, le temps de monter le poste de travail avec les normes d’hygiène strictes, de positionner le stencil, de réaliser ensuite le tatouage, d’appliquer les soins, d’expliquer le protocole de soins, de prendre une photo et d’encaisser. Il reste ensuite à l’artiste à démonter et désinfecter son poste pour le préparer pour le ou la cliente suivante. Un tatouage qui prend 10 minutes, cela n’existe tout simplement pas lorsque le travail est fait sérieusement.
On le voit, la somme que l’artiste facture à son ou sa cliente, n’est pas du tout la somme qu’il encaisse, loin de là. Sur les 100€ de départ, s’il reste environ 30€ à l’artiste il ou elle se considérera heureu.x.se
Chez Karbone, nous avons à coeur que tou.te.s les artistes qui travaillent avec nous puissent vivre dignement de leur art. Ils et elles ont tou.te.s passé de nombreuses années à travailler dur pour pouvoir en vivre et travaillent encore avec passion parce que rien n’est jamais acquis et que l’expérience est précieuse. Pour cette raison, nous refuserons toujours que les artistes travaillant avec nous dévaluent leur travail ou le bradent. Ce qu’ils et elles proposent est unique, ce ne sont pas seulement de simples tatouages mais un travail de plusieurs années, une passion encore intacte et un savoir faire et un professionnalisme inégalés.